À Saint-Louis, la montée des eaux engloutit les maisons du littoral

Jeudi 21 Juillet 2016


Le réchauffement climatique n’épargne pas Saint-Louis, au Sénégal. Sur les rivages de la cinquième ville du pays, le niveau de la mer monte dangereusement, au point que le 8 juillet, plusieurs maisons du quartier Guet N’Dar, situé face à l’océan Atlantique, se sont effondrées, emportées par les eaux. Les habitants regardent, impuissants, leur quartier se faire engloutir, sans croire aux promesses du gouvernement qui assure intervenir pour lutter contre ce phénomène.


Comme beaucoup des habitants de Guet N’Dar, à Saint-Louis, Samba Dipo est pêcheur. Ce jeune homme de 21 ans a contacté Les Observateurs de France 24 pour tirer la sonnette d’alarme : son quartier est menacé par la montée des eaux. Situé sur la Langue de Barbarie, bande de terre entre le fleuve Sénégal et l’Océan Atlantique, Guet N’Dar est particulièrement exposé aux caprices de l’océan, dont le niveau de cesse d’augmenter. Selon un rapport d’ONU habitat en 2008, Saint Louis serait la ville la plus touchée par la montée des eaux. Certains experts locaux estiment même que l’eau y monterait d’un mètre par an.

"Avant, nous jouions au foot sur la plage certains soirs ; maintenant il n’y a plus de plage"

Le 8 juillet vers trois heures du matin, une dizaine de maisons ont été détruites par la mer, les habitants ont pu s’échapper et ont dû se réfugier chez des voisins. Cela fait plusieurs mois que la mer n’arrête pas de monter. Avant, nous avions l’habitude de jouer au football sur la plage certains soirs ou bien pendant l’Eid [fête religieuse musulmane, n.d.l.r]. Maintenant c’est impossible : il n’y a plus de plage. 

Ce n’est pas la première fois que ça arrive : j’accueille chez moi cinq amis d’enfance dont la maison a été détruite en 2015 au nord de la Langue de Barbarie, dans le quartier de Goxu Mbathie. Pourquoi en est-on là ? La mer monte, mais aussi le mur qui a été bâti par les Français durant la colonisation pour protéger le quartier de la mer s’est effondré à certains endroits. Il n’empêche plus la mer de venir sur Guet N’Dar. 

La situation risque encore de s’aggraver avec la saison des pluies qui approche. Les habitants mettent des sacs de sable autour de leurs maisons pour les protéger de la mer mais ça ne suffira pas.

On demande à l’Etat qu’il protège nos maisons. Les habitants du quartier sont très pauvres, ils n’ont pas les moyens de faire les travaux eux-mêmes. Il y a bien un fonctionnaire de l’Etat qui est venu visiter le quartier, il a dit qu’il allait nous aider, mais rien n’a été effectué. Des familles ont été relogées mais dans des maisons de trois pièces, ce qui est trop petit. Dans certaines maisons détruites logeaient ainsi vingt personnes. De plus l’Etat les reloge dans le quartier de Ngalele, qui est très loin. Des habitants ont refusé : la plupart sont pêcheurs, ils préfèrent rester près de la mer pour leur travail. Ici nous, les autorités ne font rien pour nous.
 
Contacté par France 24, Mansour Faye, maire de Saint-Louis et ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, assure qu’en deux ans une trentaine de familles ont été relogées provisoirement dans le quartier de Ngalele. Selon lui, un projet est en cours pour construire des brise-lames - une digue artificielle - pouvant stopper les vagues. “On va commencer les travaux dans deux ou trois mois”, assure-t-il. Pourquoi avoir attendu que le pire arrive alors que plusieurs habitants soulignent que le mur de protection se désagrège depuis plusieurs années déjà ? Selon Mansour Faye, “l’Etat a privilégié une démarche lente pour avoir une solution plus durable”. 
 
 
 

"La prévention coûte moins cher que la réponse à la catastrophe"

L’argument ne convainc pas l'ancien député Abdou Sané, géographe environnementaliste et président de l'association africaine pour la réduction des risques de catastrophes : 

Les gouvernements successifs du Sénégal ont manqué de vision prospective. Ils n’ont pas le sens de l’anticipation, de la planification et de la prévision. Comment expliquer que le littoral soit habité sans tenir compte de l’exposition au risque d’inondation par les eaux marines ? Pourquoi ne pas anticiper la délocalisation des populations vivant en bordure littorale et très exposées à l’avancée de la mer ? Pourquoi ne pas investir dans le domaine de la recherche de solutions structurelles pour faire face à tout ce potentiel de risques ? 

La prévention coûte moins cher que la réponse à la catastrophe. Tout le monde le dit et l’admet ; pourtant on ne l’applique guère. C’est là un grave problème de gouvernance. Au Sénégal notamment il y un cadre institutionnel et juridique si flou que l’on ne peut pas situer de façon précise les responsabilités. C’est donc la certitude de l’impunité qui pourrait en partie expliquer la persistance de certaines négligences à l’origine de graves catastrophes.

Nous devons encore faire face à la catastrophe causée par le canal creusé en 2003 par le gouvernement dans la Langue de Barbarie. Alors qu’il devait éviter les inondations récurrentes dans la ville de Saint-Louis, il s’élargit considérablement et provoque beaucoup d’accidents dont les principales victimes sont les pêcheurs qui travaillent et vivent à Guet Ndar. L’expertise locale est dépassée.

D’autres villes sénégalaises menacées

Abdou Sané ajoute que le phénomène de montée des eaux est d’autant plus alarmant qu’il ne concerne pas uniquement Saint-Louis : 

Toute la côte est affectée : dans la région de Dakar, la ville de Bargny a été touchée pour la deuxième année. Celle de Rufisque en est aussi victime. La station touristique balnéaire de Saly Portudal est sous la menace de disparition, tout comme l’île Palmarin. En plus de la mer, dans le département de Podor [région de Saint Louis] il y a aussi les crues du fleuve qui inondent les domaines agricoles anéantissant du coup tous les objectifs d’atteinte à la sécurité alimentaire.

France 24 avec Flashinfos.net
 


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