Abdou Sané: « Pourquoi nous rejetons le projet d’exploitation du zircon»

Jeudi 21 Septembre 2017

L’ancien parlementaire Abdou Sané, membre du comité scientifique de lutte contre l’exploitation du zircon à Niafrang, est revenu sur les raisons de leur veto contre ce projet. Non moins expert en prévention et gestion des risques et conseiller du gouvernement en termes de gestion des risques, il a, en conférence de presse ce mercredi 20 septembre 2017, défendu ses arguments. Seneweb vous en livre l'essentiel.

«Il y a de quoi s’inquiéter»

Du point de vue environnemental, il y a de quoi être sceptique puisque sur le plan international, nous avons souscrit à un certains nombre d’engagements. Sur le plan national, nous avons voté un certain nombre de lois et il est temps que la bonne gouvernance puisse s’appliquer dans le domaine de l’environnement.

Si vous coupez un membre d’un organisme, il est en situation de dysfonctionnement

A travers les aspects environnementaux, les conséquences sont néfastes. Le projet se situe au niveau d’une dune de 6 kilomètres. Cette dune est habitée par une quarantaine de villages soit 25 000 habitants. C’est cette dune qui joue de barrière entre l’océan et la partie continentale par rapport au changement climatique. Malheureusement, les réponses apportées ne tiennent, parce que quelle que soit la modification partielle ou entière de la dune, un organisme vivant reste un organisme vivant, dès que vous coupez un de ses membres, il est forcément en situation de dysfonctionnement.

«Ce qui est arrivé à Saint-Louis menace la Casamance»

C’est comme cela que nous avons été tous responsables de ce qui se passe à Saint-Louis aujourd’hui, parce que personne ne s’est levé pour parler et nous avons assisté impuissamment à ce qui se passe (...) où on enregistre plus de deux cent morts à cause de la brèche qui a été ouverte à l’époque. C’était une friture de terrain qui a été ouverte à l’époque. On l’a cisaillée au nom de la lutte contre les inondations. On en a fait aujourd’hui un élément d’embouchure avec toutes les conséquences en termes de modification de l’écosystème et en termes de conséquences sur le plan humain avec ces centaines de morts, parce qu’il y a chez nous, toujours cette absence de suivi dans nos actions.

Une dune qui renferme un certain nombre de ressources dont la nappe phréatique

En plus, si vous vous référez aux programmes qui ont en charge la récupération des vallées sèches et des vallées salées en Casamance, on vous dira que le problème du sud, c’est l’accès à l’eau potable parce qu’il y a une forte salinisation des sols et des nappes. Ce qui fait qu’au niveau des études de projet, on vous dira que la Casamance fait partie des points rouges parce qu’elle est à 40%.

Dans ce contexte, est-il opportun de faire promouvoir des projets qui pourraient être des facteurs aggravants de la situation, je dirai non. Parce qu’on veut régler une ressource qui est le zircon en tuant une autre à savoir l’écosystème dunaire et aussi tout ce qui est lié à cet écosystème à savoir la nappe phréatique. Donc on ne peut pas régler un problème en créant plus grave que ce qu’on a créé. Encore faut-il dire ce qu’on gagne dans ce projet.

Nous sommes déjà dans un contexte très difficile

L’autre élément, vers l’ouest de cette dune, il y a une mangrove et des rizières de l’autre côté. La crainte, au moment où nous parlons, sans même la mise en valeur de ce projet, nous assistons à une forte salinisation des rizières. C’est ce qui a permis au gouvernement d’obtenir auprès de la Banque africaine de développement (Bad) un programme pour lutter contre cette avancée du sel. Du point de vue opportunité, le moment est mal choisi parce que nous sommes déjà dans un contexte très difficile où la ressource eau, la ressource sécurité, la ressource sol, renferment d’énormes enjeux.

La mangrove et les rizières sont menacées

L’autre point, c’est cette mangrove qui est menacée. L’Etat devrait avoir un grand programme de plantation de la mangrove. Elle a l’avantage de fixer l’avancée de la langue salée, a l’avantage d’être une zone de reproduction biologique des ressources halieutiques, a l’avantage avec son vert, de capter les gaz carboniques conformément à nos engagements en termes de changement climatique et en même temps d’offrir des opportunités en termes de revenus avec nos femmes qui font la cueillette au niveau de la mangrove des huîtres et autres produits de mer.

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