"L’Etat du Sénégal doit sénégaliser cette école et la confier à une fondation nationale..."

Dimanche 25 Décembre 2016

Théo,
Après ma lettre du 11 Octobre 2016, ma petite santé s’est encore effritée. Prémonitoirement j’avais senti que tu resterais longtemps sans avoir de mes nouvelles. Je t’avais promis de t’écrire chaque début de semaine mais j’avais aussi précisé que ce ne serait possible que si seulement,  la maladie me laissait un temps de répit. Hélas, ce foutu cancer ne m’a fait crapahuter plus d’un mois durant.  Ma séance de chimiothérapie du 18 Octobre m’avait plongé dans une expérience sensorielle  éprouvante et permanente. Dans ma douleur  j’avais en vain guetté cette fameuse lueur que l’on décrit être le top départ pour  l’autre rive. Heureusement/malheureusement elle ne m’est  pas apparue, et par la grâce de Dieu, je peux aujourd’hui  me reconnecter à toi mon cher fils par ce courrier.
Théo, de cette lucarne de ma fin de vie et sur le pas de porte de la mort, je me trouve aujourd’hui une nouvelle addiction : la Télévision.  Elle est devenue mon plus fidèle compagnon quand la Sénélec ou la TNT ne font pas grève. Je suis devenu presqu’incollable en la matière. Je connais pratiquement tous les bouquets proposés par Orange et TNT.

Hier j’ai suivi Khalifa Diakhaté et son équipe de l’émission  « Jakaarlo bi » qui se positionne aujourd’hui comme l’un des meilleurs plateaux d’analyse hebdomadaire (sans pesanteur lobbyiste), de la vie économique et sociale de notre pays. Du Professeur Songdé, obnubilé par la rigueur épistémologique, au sulfureux Birima, droit dans son argumentaire insatiable et immuable du militant de Maky Sall, en passant par l’entière et explicite  Bouba Ndour  qui dit les choses comme il les perçoit avec parfois une honnêteté  gênante, sans oublier le timoré Papis qui essaye toujours de ménager les sensibilités des impactés des sujets abordés. Je n’oublie pas le Golden Boy Charles qui à travers ses lunettes, renvoie aux téléspectateurs sa maturité, son charisme et sa grande culture intellectuelle.

 Je suis surpris de la maturité  évolutive de Khalifa Diakhaté. Il pose ou clôture les débats avec beaucoup de responsabilité. Sa supervision de l’émission s’améliore au fil du temps. Il a certainement  dû prendre conscience qu’il lui fallait redescendre d’un palier du piédestal autoritaire d’où il s’était mis quelques émissions auparavant. Il est vrai que sa perpétuelle hantise de maitriser son émission n’était pas chose facile surtout  lorsqu’il s’agit d’animer un panel composé de ses supérieurs hiérarchiques doublés de mastodontes intellectuelles. Bref.
Hier ce fut particulièrement intéressant car tout ce beau monde n’a eu aucun complexe à mettre à nu la non maitrise du bilan de la visite d’Etat du Président par le représentant Pape Mahel THIAM qui avait une gestuelle plus affirmée que la connaissance des problématiques abordées. J’avais trouvé trop gros( tout moins insignifiant) que notre invité mentionne des montants de 500 000 euros ou 1 500 000 euros présentés comme entre autres fruits de cette visite classée au summum du protocole diplomatique de la France. Mais bon il fallait répondre aux pertinentes et embarrassantes questions de Khalifa.
Tout comme ce Directeur des études de Yavuz Selim, venu spécialement recueillir l’adhésion des téléspectateurs à sa  lutte pour le maintien de cette école pour laquelle la fermeture a été décidée depuis l’Asie Mineure (Pour paraphraser l’ancien Président Nicolas Sarkozy au sujet de la Turquie).
Très maladroitement ton ancien Directeur des études (Ta sœur et toi ayant été parmi les premiers élèves de cette école), a essayé de vendre le coté philanthropique de l’institution qui offrirait des bourses  à certains élèves issus de couches sociales  démunies.  Il fallait compter avec la rigueur sémantique du Professeur Songdé pour rappeler le vrai visage transactionnel des activités commerciales de l’Ecole.
Ce Directeur était encore plus ridicule lorsqu’il omit sciemment  de donner le montant mensuel que paye chaque potache au titre de cout de sa scolarité. En 2006 je payais 50 000 CFA et 20 000 CFA de transport  par mois et par élève (140 000 FCFA).
Dix ans après, si par extraordinaire le relèvement du cout ne serait que de 5% (et j’en doute), l’école ferait alors un chiffre mensuel estimatif de plus du  ¼  du milliard par mois pour les 3000 élèves déclarés. Avec de tels moyens, si  cette école ne devenait  pas un cadre d’excellence, ses dirigeants seraient bons pour la guillotine. Et d’ailleurs, ce cadre d’excellence, l’est pour qui ? La majorité des enfants du Sénégal ou simplement ceux d’une certaine classe sociale ?

Le Monsieur nous parle aussi de l’évident changement de Projet, si l’école changeait  de tutelle. Il ne se rendait pas compte qu’il voulait simplement  dire que lui, qui est resté 20 ans au sommet de l’institution serait incapable de restituer le même  projet en cas de défenestration des turcs. Un aveu qui traduit l’omerta qui a toujours prévalu dans la gestion de cette école. Peut-on alors le croire lorsqu’il affirme qu’aucun kopek CFA n’est rapatrié en Turquie ? Rien que le fait de payer les fonctionnaires turcs ici à Dakar serait une forme de rapatriement de devises.
Théo, je rejoins tous ceux qui voudraient que la tradition de cette école soit perpétuée, oui Théo ces enfants de la classe sociale supérieure méritent d’étudier dans la sérénité. Que cet établissement ne ferme pas ses portes. Mais qu’on arrête de faire dans le dilatoire, car lorsque la majorité des enfants du Sénégal déplorent les conditions inhumaines d’études dans des écoles de quartiers populaires, dans des abris provisoires, dans des lycées et collèges pléthoriques  pour des raisons économiques, les parents de ceux de Yavuz Selim ne s’en offusquent pas. Aujourd’hui pour des raisons diplomatiques avec les mêmes soubassements économiques, ils voudraient que la terre arrête de tourner et crient  urbi et orbi que ce même état est faible. Aucune retenue par rapport au statut  de la souveraineté d’un pays ami et à Erdogan son actuel dirigeant. Un Etat  prend toujours ses responsabilités en parfaite connaissance des enjeux stratégiques en jeu. Tout comme la loi, une décision de souveraineté est toujours impartiale. En quoi le nombre de personnes arrêtées par Erdogan s’invite-t-il dans la lutte pour le maintien de l’enseigne Yavuz Sélim . Notre Directeur s’offusquait en direct à la télévision du grand nombre de citoyens turcs arrêtés, juste pour montrer le sadisme d’Erdogan.

A cette même émission nous avons été honorés du coup de fil de la Présidente des parents d’élèves qui estime que leurs enfants (eux parents d’élèves) ne sauraient accepter que leurs enfants soient mis sur la balance économico-diplomatique. Elle avait embrayé sur la situation statutaire de l’école en affirmant  que cette école ne serait  pas sous la tutelle diplomatique de la Turquie. Archi faux car cette école avait été introduite au Sénégal par la mission diplomatique turque via son service culturel. Pour la petite histoire, Il avait fallu maintenir cette tutelle pendant plus de cinq années avant que cette école ne  soit officiellement reconnue. Et  chaque fois que l’école organisait un événement public (distribution de prix à Daniel Sorano par exemple), c’était Monsieur l’Ambassadeur qui présidait la cérémonie. Les différents voyages d’échanges culturels et commerciaux avaient toujours été organisés conjointement entre l’école et l’ambassade de Turquie à Dakar. Je pense que notre Présidente de parents d’élèves ne connait vraisemblablement pas l’histoire de l’institution présente dans plus de 170 pays.
 Je me rappelle aussi de toutes les difficultés que nous avions essuyées pour la mise en place de l’association des parents d’élèves  car les dirigeants de l’école n’étaient pas favorables et s’y étaient farouchement opposés.
Que cette école change de nom ou de tutelle, ça fait quoi ?  L’on me parle d’un choc psychoaffectif des élèves !!! Je ne suis pas convaincu……..
L’Etat du Sénégal aurait mieux fait de sénégaliser cette école et la confier à une fondation nationale œuvrant dans l’éducation religieuse islamique avec les même conditions et avantages sociales car ce qui ressort de ce tintamarre du Directeur  se résume à la simple maxime selon laquelle « Chacun voit midi à sa porte ».
Joyeux Noel mon fils, et Bonne Année 2017 !!!!
ASSULUKEN

Le Redacteur