Près de trois semaines après sa démission surprise à Riyad, qui lui aurait été imposée par les Saoudiens selon les responsables libanais, le Premier ministre libanais Saad Hariri a annoncé mercredi la suspension de sa démission.
C’est le meilleur scénario que pouvaient espérer les Libanais, et personne n'osait y croire. La plupart des journaux ont écrit que Saad Hariri aller confirmer sa première démission, annoncée dans des circonstances entourées d’ambiguïté et de flou.
C’est finalement le contraire qui s’est produit, constate notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh. Dans une déclaration télévisisée, le Premier ministre a révélé le contenu tout autre de sa discussion avec Michel Aoun survenue ce matin.
« J'ai discuté de ma démission avec le président », a déclaré Saad Hariri, dont la première démission, formulée depuis la capitale d'Arabie saoudite le 4 novembre dernier, avait été refusée par le chef de l'Etat libanais.
Le chef du gouvernement libanais a expliqué que M. Aoun, en ce jour anniversaire de l'indépendance du pays, lui avait « enjoint d'attendre avant de la présenter », pour lui « permettre davantage de consultations ».
« J'ai accepté cette requête », a conclu Saad Hariri, arrivé dans la capitale la veille par avion, et qui avait pris le soin d'aller se recueillir sur la tombe de son père Rafiq dans le centre-ville mardi soir, avant les cérémonies de ce mercredi.
Saad Hariri a tout de même déclaré qu'il était nécessaire que le Liban adopte une politique claire, de distanciation par rapport aux conflits régionaux. Un point qui devrait être central dans les discussions ultérieures entre Libanais.
La classe politique libanaise souffle, après des semaines de flou artistique
MM. Hariri et Aoun se voyaient pour la première fois depuis le séjour du Premier ministre à Riyad, rappelle notre seconde correspondante à Beyrouth, Laure Stephan. Ils n'avaient eu, jusqu'ici, que deux contacts téléphoniques.
La suspension par le du Premier ministre de sa démission évite au Liban une grave crise gouvernementale et politique, qui aurait pu déstabiliser plus encore le pays, fragilisé par les tensions régionales entre l’Iran et l’Arabie saoudite.
A Beyrouth, les milieux politiques saluent le rôle de la France et de l’Egypte dans ce développement inattendu, qui désamorce la crise qui se profilait. Paris et Le Caire seraient intervenus pour atténuer les pressions saoudiennes sur le Liban.
Mais c’est surtout la gestion interne de cette crise sans précédent, qui a permis à M. Hariri de rétropédaler. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a évoqué le retrait de ses conseillers militaires d’Irak.
Il a officiellement nié aussi l’envoi par son parti d’armes et de missile dans les pays arabes, notamment au Yémen. Une accusation portée contre lui par Riyad et la Ligue arabe, et qui aurait justifié à leur yeux cette escalade contre le Liban.
Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, l'un des principaux leaders chiites du pays, a quant à lui déclaré qu’il était disposé à discuter de la distanciation du Liban par rapport aux conflits régionaux.
Riyad reproche à Beyrouth de ne rien faire pour empêcher le Hezbollah d’envoyer ses troupes en Syrie et ailleurs. Selon un proche de Michel Aoun, les deux jours qui viennent vont être cruciaux dans la gestion de la crise politique libanaise.