René Capain Basséne, en votre qualité de journaliste-écrivain et observateur du conflit en Casamance, quelle est votre réaction face à certaines déclarations parues dans les médias, comparant l’Abbé Diamacoune Senghor à Daesh?
Vous savez, je n’ai jamais voulu entrer dans des débats confessionnels. Je ne m’y connais pas, et je suis quelqu’un de trop mal placé pour m’aventurer à parler de telles questions, parce que je suis issu d’une mère musulmane et d’un père catholique. Pour répondre à votre question, j’avoue que j’étais sidéré d’entendre certaines hautes personnalités, parmi lesquelles des porteurs d’opinion, tenter de comparer Daesh à l’Abbé Diamaoune. J’ai été très déçu pour deux raisons : d’abord, parce que chez nous, la morale et même la religion voudraient que pour quelqu’un qui est rappelé à Dieu, qu’on dise du bien de lui, et qu’on l’accompagne à travers nos prières afin que le Bon Dieu ait pitié de son âme. Nous n’avons pas cette prérogative, nous autres humains, de juger la vie des autres, car nous sommes tous pécheurs. Je ne nous vous apprends rien à ce propos. Ensuite, j’ai eu très mal, parce que les gens sont en train, de manière consciente ou inconsciente, de tenter de déformer l’histoire et de contribuer à semer la confusion auprès de l’opinion. Ils avancent des choses qu’ils ne maîtrisent pas du tout. L’Abbé Diamacoune n’était pas, et n’a jamais été un terroriste. Le Mfdc, dont il a été le Secrétaire général de 1995 à sa mort, en 2007, n’est, non plus, un mouvement terroriste. Comment alors évoquer son nom et tenter de le comparer à un mouvement terroriste qui n’a rien de commun avec ce qu’il avait incarné ? C’est être de mauvaise foi. C’est absurde. C’est comme si on tentait une greffe entre un manguier et un papayer.
A quoi devrait-on donc assimiler le Mfdc ?
Le Mfdc n’est pas un mouvement chrétien qui cherche à imposer son idéologie et sa culture aux Sénégalais que nous sommes. C’est un mouvement qui porte une revendication purement politique. D’ailleurs, parmi les chefs des quatre factions combattantes, trois sont musulmans, et parmi les leaders de l’aile politique interne, un seul est chrétien contre deux musulmans, et du côté de l’aile extérieure, tous les trois sont musulmans. C’est pour dire qu’il faut cesser d’introduire la problématique de la crise en Casamance, quand il s’agit d’un débat qui touche à la religion. C’est, selon moi, un procédé très malhonnête de vouloir répondre à des attaques en salissant, à tort, et de manière irrespectueuse, la mémoire de quelqu’un. C’est comme si ces gens cherchent à faire comprendre à l’opinion que c’est un chrétien qui est a l’origine de la guerre en Casamance. C’est mauvais comme stratégie de communication.
Vous voulez dire que l’Abbé Diamacoune n’est pas à l’origine de la guerre en Casamance ?
Oui et sans détours. L'Abbé n’est pas à l’origine de la guerre en Casamance. Il n’a pas «tué tant de Sénégalaises et de Sénégalais, et contribué à mettre à genoux l’économie de la florissante Casamance». C’est pourquoi j’ai dit plus haut que les gens s’aventurent à parler de sujets qu’ils ne maîtrisent pas.
Pourquoi êtes-vous si affirmatif ?
Je suis l’auteur du premier livre sur l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor. Il m’avait dit, et je le cite : «Moi, je ne connaissais pas les instigateurs de la marche du 26 décembre 1982. Je n’ai jamais participé à leurs réunions. J’ai toujours mis au défi, même au juge de la sûreté de l'État pendant mon jugement en décembre 1983. Je lui ai dit :' Je vous mets au défi, et je défis tout un chacun de prouver qu’un jour j’ai participé à une seule réunion de ceux qui ont organisé cette manifestation (du 26 décembre 1982)'». Ces propos m’ont été confirmés par les organisateurs de cette marche. Le professeur Assane Seck, à ce sujet, m’avait confié ceci : «Le 29 mai 1991 de Bissau à Cacheu, l’Abbé et moi avons partagé la même voiture. C’était la deuxième fois que je le rencontrais, la première ayant eu lieu en 1978 lors des cérémonies de baptême de certaines rues de Ziguinchor. Tout au long du trajet, de plus de deux cents kilomètres, nous avons réellement sympathisé, échangeant en particulier des idées sur la parenté linguistique et ethnique entre Lébou, Wolof, Sérère et Diola. Bref, un voyage dominé par l’expression de sentiments fraternels ! S’agissant de notre mission, l’Abbé me précisa que, comme moi, il allait, pour la première fois se retrouver en contact physique avec les combattants du Mfdc». Ainsi trente-trois ans après la marche, et bientôt dix ans après sa mort, ce défi n’est toujours pas relevé. J’invite donc ceux-là qui l’accusent d’avoir «tué des Sénégalais» à apporter les preuves de leurs allégations, et je suis prêt à débattre de ce sujet avec eux, quand ils le souhaiteront. Par ailleurs, je pense qu’il est temps que l’on débatte sérieusement et avec objectivité de ce conflit qui sévit chez nous depuis trois décennies et qui, paradoxalement, est trop peu connu des Sénégalais, car l’opinion a fortement besoin de comprendre beaucoup de choses.
On a l'impression que vous êtes choqué par toutes ces accusations contre l'Abbé Diamacoune Senghor...
Ce qui m’a étonné, cest pourquoi du vivant de l’Abbé, ces gens qui, aujourd’hui, l’accusent à tort, d’«avoir tué des Sénégalais» ne s’étaient pas prononcés, alors qu’ils en avaient les possibilités ?Pourquoi attendre plusieurs années après sa mort pour essayer de salir sa mémoire ? Était-ce un manque de courage de leur part ? Pourquoi ces gens n’avaient, et n’ont jamais, élevé la voix pour condamner les horreurs qui se passaient en Casamance ? Pourquoi attendre qu’on parle d’un mouvement terroriste né au Moyen-Orient pour évoquer la personne de Diamacoune ? Je conclus pour dire que le conflit en Casamance est encore trop loin de finir de révéler ses secrets. A mon avis, les responsabilités concernant la création d’une rébellion armée, celles portant sur les horreurs, dont ont été victimes les pauvres populations, sont partagées entre les parties en conflit. C’est une erreur de vouloir les faire porter à tort par un seul homme. L’histoire nous édifiera un jour. Le combat de nos jours, ce n’est pas de se mettre dans une logique d’invectives, mais de réfléchir et de proposer des voies et moyens pour un retour d’une paix durable en Casamance.
Propos recueillis par Flashinfos.net
Vous savez, je n’ai jamais voulu entrer dans des débats confessionnels. Je ne m’y connais pas, et je suis quelqu’un de trop mal placé pour m’aventurer à parler de telles questions, parce que je suis issu d’une mère musulmane et d’un père catholique. Pour répondre à votre question, j’avoue que j’étais sidéré d’entendre certaines hautes personnalités, parmi lesquelles des porteurs d’opinion, tenter de comparer Daesh à l’Abbé Diamaoune. J’ai été très déçu pour deux raisons : d’abord, parce que chez nous, la morale et même la religion voudraient que pour quelqu’un qui est rappelé à Dieu, qu’on dise du bien de lui, et qu’on l’accompagne à travers nos prières afin que le Bon Dieu ait pitié de son âme. Nous n’avons pas cette prérogative, nous autres humains, de juger la vie des autres, car nous sommes tous pécheurs. Je ne nous vous apprends rien à ce propos. Ensuite, j’ai eu très mal, parce que les gens sont en train, de manière consciente ou inconsciente, de tenter de déformer l’histoire et de contribuer à semer la confusion auprès de l’opinion. Ils avancent des choses qu’ils ne maîtrisent pas du tout. L’Abbé Diamacoune n’était pas, et n’a jamais été un terroriste. Le Mfdc, dont il a été le Secrétaire général de 1995 à sa mort, en 2007, n’est, non plus, un mouvement terroriste. Comment alors évoquer son nom et tenter de le comparer à un mouvement terroriste qui n’a rien de commun avec ce qu’il avait incarné ? C’est être de mauvaise foi. C’est absurde. C’est comme si on tentait une greffe entre un manguier et un papayer.
A quoi devrait-on donc assimiler le Mfdc ?
Le Mfdc n’est pas un mouvement chrétien qui cherche à imposer son idéologie et sa culture aux Sénégalais que nous sommes. C’est un mouvement qui porte une revendication purement politique. D’ailleurs, parmi les chefs des quatre factions combattantes, trois sont musulmans, et parmi les leaders de l’aile politique interne, un seul est chrétien contre deux musulmans, et du côté de l’aile extérieure, tous les trois sont musulmans. C’est pour dire qu’il faut cesser d’introduire la problématique de la crise en Casamance, quand il s’agit d’un débat qui touche à la religion. C’est, selon moi, un procédé très malhonnête de vouloir répondre à des attaques en salissant, à tort, et de manière irrespectueuse, la mémoire de quelqu’un. C’est comme si ces gens cherchent à faire comprendre à l’opinion que c’est un chrétien qui est a l’origine de la guerre en Casamance. C’est mauvais comme stratégie de communication.
Vous voulez dire que l’Abbé Diamacoune n’est pas à l’origine de la guerre en Casamance ?
Oui et sans détours. L'Abbé n’est pas à l’origine de la guerre en Casamance. Il n’a pas «tué tant de Sénégalaises et de Sénégalais, et contribué à mettre à genoux l’économie de la florissante Casamance». C’est pourquoi j’ai dit plus haut que les gens s’aventurent à parler de sujets qu’ils ne maîtrisent pas.
Pourquoi êtes-vous si affirmatif ?
Je suis l’auteur du premier livre sur l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor. Il m’avait dit, et je le cite : «Moi, je ne connaissais pas les instigateurs de la marche du 26 décembre 1982. Je n’ai jamais participé à leurs réunions. J’ai toujours mis au défi, même au juge de la sûreté de l'État pendant mon jugement en décembre 1983. Je lui ai dit :' Je vous mets au défi, et je défis tout un chacun de prouver qu’un jour j’ai participé à une seule réunion de ceux qui ont organisé cette manifestation (du 26 décembre 1982)'». Ces propos m’ont été confirmés par les organisateurs de cette marche. Le professeur Assane Seck, à ce sujet, m’avait confié ceci : «Le 29 mai 1991 de Bissau à Cacheu, l’Abbé et moi avons partagé la même voiture. C’était la deuxième fois que je le rencontrais, la première ayant eu lieu en 1978 lors des cérémonies de baptême de certaines rues de Ziguinchor. Tout au long du trajet, de plus de deux cents kilomètres, nous avons réellement sympathisé, échangeant en particulier des idées sur la parenté linguistique et ethnique entre Lébou, Wolof, Sérère et Diola. Bref, un voyage dominé par l’expression de sentiments fraternels ! S’agissant de notre mission, l’Abbé me précisa que, comme moi, il allait, pour la première fois se retrouver en contact physique avec les combattants du Mfdc». Ainsi trente-trois ans après la marche, et bientôt dix ans après sa mort, ce défi n’est toujours pas relevé. J’invite donc ceux-là qui l’accusent d’avoir «tué des Sénégalais» à apporter les preuves de leurs allégations, et je suis prêt à débattre de ce sujet avec eux, quand ils le souhaiteront. Par ailleurs, je pense qu’il est temps que l’on débatte sérieusement et avec objectivité de ce conflit qui sévit chez nous depuis trois décennies et qui, paradoxalement, est trop peu connu des Sénégalais, car l’opinion a fortement besoin de comprendre beaucoup de choses.
On a l'impression que vous êtes choqué par toutes ces accusations contre l'Abbé Diamacoune Senghor...
Ce qui m’a étonné, cest pourquoi du vivant de l’Abbé, ces gens qui, aujourd’hui, l’accusent à tort, d’«avoir tué des Sénégalais» ne s’étaient pas prononcés, alors qu’ils en avaient les possibilités ?Pourquoi attendre plusieurs années après sa mort pour essayer de salir sa mémoire ? Était-ce un manque de courage de leur part ? Pourquoi ces gens n’avaient, et n’ont jamais, élevé la voix pour condamner les horreurs qui se passaient en Casamance ? Pourquoi attendre qu’on parle d’un mouvement terroriste né au Moyen-Orient pour évoquer la personne de Diamacoune ? Je conclus pour dire que le conflit en Casamance est encore trop loin de finir de révéler ses secrets. A mon avis, les responsabilités concernant la création d’une rébellion armée, celles portant sur les horreurs, dont ont été victimes les pauvres populations, sont partagées entre les parties en conflit. C’est une erreur de vouloir les faire porter à tort par un seul homme. L’histoire nous édifiera un jour. Le combat de nos jours, ce n’est pas de se mettre dans une logique d’invectives, mais de réfléchir et de proposer des voies et moyens pour un retour d’une paix durable en Casamance.
Propos recueillis par Flashinfos.net