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Elections législatives au Pakistan: vers la fin de la transition démocratique?

Mardi 24 Juillet 2018


Plus de 100 millions d’électeurs sont appelés aux urnes ce mercredi 25 juillet pour renouveler le Parlement pakistanais. Après 2008 et 2013, ces élections législatives auraient dû permettre de consolider le système politique du Pakistan. Mais, dix ans après la fin de la dictature, au terme d’une campagne délétère, le spectre de l’armée refait surface et menace la jeune démocratie pakistanaise. Lever de rideau avec Amélie Blom, chargée de cours à l’Inalco et à Sciences Po Paris.


RFI : Comment se présente ce scrutin législatif ?

Amélie Blom : Ces élections vont marquer un tournant dans l’histoire politique du Pakistan. Elles vont clore la transition démocratique enclenchée à partir de la fin de l’année 2007. C’est aussi la fin du système bipartisan. On a jusque-là toujours eu deux partis politiques qui se partageaient le pouvoir : le Parti du peuple pakistanais (PPP) et la Ligue musulmane (PML-N) de Nawaz Sharif, l’ancien Premier ministre. On a maintenant un troisième entrant, un nouveau venu, le mouvement d’Imran Khan, qui est donné favori.

Pourquoi prévoyez-vous la fin de la transition démocratique ?

Parce que ces élections ont lieu dans un climat politique très dur, un regain d’autoritarisme, avec un tir croisé contre les partis de gouvernement, PPP et PML-N. Il est notamment venu de l’appareil judiciaire, avec une pression très forte sur la formation de Nawaz Sharif, qui a été démis de ses fonctions l’année dernière, et qui est désormais emprisonné. Le Parti du peuple pakistanais a, lui, pratiquement été interdit de faire campagne au Penjab, la province la plus peuplée du pays. Il y a également eu d’intenses pressions contre la société civile et les journalistes, et des manœuvres pour favoriser l’émergence d’un maximum de candidats indépendants ou issus des mouvements islamistes les plus durs​.

On peut parler d’une véritable entreprise visant à organiser la refonte du système politique tel qu’il existe depuis les années 1970. On va voir émerger un Pakistan qui sera certes une démocratie au sens procédural. Mais, en pratique, un régime autoritaire avec la mise en avant d’un leader populiste, Imran Khan, porté par des forces non-élues, l’armée, la haute fonction publique, l’institution judiciaire, dotées de pouvoirs déterminants sur la politique intérieure et régionale.

Imran Khan ne serait qu’un simple paravent pour ces forces non-élues ?

Ce n’est pas non plus une marionnette, il représente quelque chose dans la société pakistanaise. Il part, à l’origine, avec un crédit de popularité du fait de ses activités caritatives et de son passé de sportif. Il a un vrai soutien populaire au sein d’une partie de la classe moyenne urbaine qui rêve de changement. Il fait un peu rêver comme quelqu’un de neuf dans le jeu politique, parce qu’il n’a jamais été Premier ministre.

Mais, dans le même temps, il inquiète. C’est quelqu’un de très volatile, qui voue une véritable haine à ceux qu'il appelle la « racaille libérale », les forces démocratiques, les défenseurs des droits de l'homme et de la liberté de pensée.

Il avait promis un « nouveau Pakistan », or, il a fait entrer au sein de sa formation tous les politiciens les plus corrompus qui ont senti le vent tourner, des transfuges du PPP et du PML-N. Incarne-t-il un changement aujourd’hui ? Sera-t-il aussi contrôlable que peuvent l’espérer les militaires ? C’est loin d’être évident.

Quel a été le point de bascule alors que le paysage politique semblait stabilisé depuis une dizaine d’années ?

L’armée fait face à une situation sans précédent. En 2013, pour la première fois, un gouvernement civil a succédé à un autre gouvernement civil. Ça n’était jamais arrivé dans l’histoire du Pakistan. On avait toujours eu des alternances sur un rythme à peu près décennal, dix ans de dictature, dix ans de transition démocratique, et ainsi de suite. Cette fois, des élections suivent d’autres élections, avec un système démocratique et partisan qui se consolide. C’est, je pense, la raison de cette nervosité.

On peut ajouter la dimension politique régionale. Nawaz Sharif, avant d’être démis de ses fonctions, s’était autonomisé des militaires dans ses prises de position vis-à-vis de l’Inde et de l’Afghanistan, sans parler de sa gestion des groupes djihadistes à l’intérieur du Pakistan. C’étaient des volets sur lesquels il était devenu de moins en moins contrôlable.

Bien qu’étant historiquement un produit de l’armée, Nawaz Sharif en est venu, presque malgré lui, à refléter une société pakistanaise qui rêve aussi de libertés individuelles, de démocratie, de paix. On parle d’une société meurtrie depuis 2001, qui subit depuis 17 ans des attentats, des attaques, une guerre civile à ses frontières. Les Pakistanais aspirent à une environnement pacifié, et Sharif s’est mis à incarner cet espoir. C’est peut-être aussi ce rêve-là qu’il s’agit de briser.

 
 

Le Redacteur

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