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Illégalité de l’Exigence de Morcellement Foncier dans la Commune de Diembéring : Une Pratique Abusive à Dénoncer.

Mercredi 19 Février 2025

L’argumentaire présenté par la commission domaniale établit clairement que les usagers
détenant des terrains de 4, 5 ou 6 hectares doivent obligatoirement morceler une partie de leur terre à la mairie pour ses futurs projets d’intérêt général.


Ce qui frappe particulièrement dans cette démarche, c’est que certains conseillers n’hésitent pas à employer le verbe imposer, révélant ainsi, sans même s’en rendre compte, la stratégie foncière qu’ils jugent la plus efficace.
En pratique, lorsqu’un usager dépose une demande de délibération pour un terrain de cette
superficie, et si celui-ci ne fait l’objet d’aucun litige après enquête, la commission domaniale
applique la méthode suivante :

1. Valider les dossiers relatifs aux terrains de 4, 5 ou 6 hectares sans afficher de conditions
préalables.
2. Informer ultérieurement l’usager de son obligation de morcellement, sans lui laisser de
marge de négociation.
3. En cas de refus de sa part, retirer son dossier en invoquant une prétendue non-conformité aux exigences de la commission.

Cette approche vise à récupérer des parcelles pour d’éventuels projets d’intérêt général sous couvert d’expropriation pour cause d’utilité publique, mais en contournant les procédures légales requises.
Quels éléments permettent à la commission domaniale de s'assurer que l'État reconnaîtra le projet comme étant d'utilité publique, étant donné que c'est lui qui doit le valider ?
Dans le cas où le projet ne serait pas reconnu d'utilité publique, les terrains déjà morcelés seront-ils réattribués aux exploitants légitimes ?

De surcroît, une autre question fondamentale s’impose : comment justifier un morcellement
sur un terrain qui n’a pas été, au préalable, statué juridiquement ? Une interrogation d’ailleurs soulevée avec pertinence par le sous-préfet face à la commission domaniale.
Les réponses apportées par cette dernière ont malheureusement mis en évidence ses limites en matière de gestion foncière et de respect du cadre juridique applicable.

L’exigence imposée par la commission domaniale en particulier, et le conseil municipal en
général, conditionnant l’octroi d’une délibération foncière au morcellement forcé d’une partie de la parcelle d’un exploitant (4, 5 ou 6 hectares), constitue une violation manifeste du cadre juridique sénégalais en matière de gestion foncière.

Cette pratique, qui n’a aucun fondement légal, soulève des préoccupations majeures quant au respect des droits des exploitants et à la transparence dans l’administration du foncier communal.
Cette manœuvre démontre une volonté de contourner la loi et d’imposer, sous couvert d’une procédure administrative biaisée, un transfert forcé de terres. Une telle pratique ne peut être acceptée et doit être vigoureusement dénoncée.

Cette position a été soutenue par le premier adjoint au maire de la commune de Diémbéring
lors de la session municipale du samedi 15 février 2025, portant sur les délibérations foncières
à l’hôtel de ville de Diémbéring.
I. Cadre juridique applicable à la gestion foncière au Sénégal
1. La loi n° 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national
Cette loi classe les terres du domaine national en quatre catégories : zones urbaines, zones
classées, zones pionnières et zones de terroir. Les terres de la commune de Diémbéring sont majoritairement considérées comme des zones de terroir.
L’article 3 de la loi dispose que les terres du domaine national ne peuvent être ni vendues, ni
hypothéquées, ni faire l’objet de transactions privées, mais peuvent être attribuées sous
conditions d’exploitation. Tristement, la commission a statué sur des terrains vendus et
relevant du domaine national.
L’article 8 confère aux conseils municipaux et ruraux la compétence d’attribuer des terres en
fonction de l’aptitude des demandeurs à les mettre en valeur. Toutefois, cette compétence ne leur donne aucun droit d’exiger un morcellement ou une cession forcée de la parcelle comme préalable à une délibération foncière.

1.1. Les conditions d’exploitation des terres du domaine national.

Selon l’article 7 de la loi de 1964, l’affectation d’un terrain du domaine national est soumise à
l’usage effectif et utile de la terre. L’exploitant peut conserver son terrain tant qu’il en fait un
bon usage conforme à la vocation du sol.
Toutefois, la collectivité territoriale, qui assure la gestion des terres du domaine national, peut procéder à une réaffectation si elle estime que l’exploitation du terrain ne correspond plus à l’intérêt général. Cette réaffectation doit cependant respecter une procédure encadrée par la loi et ne peut en aucun cas se faire sous forme de morcellement arbitraire imposé aux exploitants.

1.2. L’hypothèse d’une récupération partielle du terrain par la collectivité territoriale.

Deux situations peuvent justifier une récupération d’une partie du terrain par la collectivité :
- Non-respect des conditions d’usage : Si l’usager ne met pas en valeur le terrain
conformément aux conditions d’affectation, la collectivité peut le lui retirer et le réaffecter à
d’autres. Toutefois, cette décision doit être fondée sur une évaluation objective et non sur une volonté arbitraire d’imposer un morcellement foncier.
- Expropriation pour cause d'utilité publique

2. La loi n° 76-67 du 2 juillet 1976 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Cette loi encadre strictement les conditions dans lesquelles l'État peut procéder à
l'expropriation pour cause d'utilité publique. Selon l'article premier, l'expropriation ne peut être effectuée que dans un but d'utilité publique et sous réserve d'une juste et préalable indemnité.

La procédure légale d'expropriation pour cause d'utilité publique suit plusieurs étapes rigoureusement encadrées par le droit afin de garantir les droits du propriétaire concerné.
Voici les principales étapes :

1. Déclaration d’utilité publique (DUP)

L’expropriation ne peut avoir lieu que si le projet est reconnu comme étant d’utilité publique.
Cette reconnaissance se fait par une enquête publique, permettant aux citoyens et aux parties prenantes de s’exprimer sur la nécessité du projet.
Autorité compétente : Généralement, c’est l’État ou la collectivité territoriale qui initie la
procédure.
Validation : L’État adopte un décret ou un arrêté déclarant le projet d’utilité publique après
consultation des parties prenantes.
2. Enquête parcellaire
Une enquête foncière est menée pour identifier précisément les parcelles concernées et leurs propriétaires légaux.
3. Arrêté de cessibilité
Après l'enquête, l'autorité compétente prend un arrêté de cessibilité qui liste les biens à exproprier.
4. Indemnisation des propriétaires
L'expropriation ne peut se faire sans indemnisation préalable et équitable du propriétaire.
L’évaluation de l’indemnité se base sur la valeur vénale du bien et les préjudices éventuels.
Si aucun accord amiable n’est trouvé, la juridiction compétente peut être saisie pour fixer
l’indemnité.
5. Transfert de propriété
Une fois l’indemnisation versée, la propriété est transférée par ordonnance du juge de
l’expropriation.

Le décret d’utilité publique (DUP) est une décision administrative qui officialise l’intérêt
général du projet et permet de lancer la procédure d’expropriation. Il est pris par le Président ou le Premier ministre, selon l'importance du projet, et publié au journal officiel.
Ce décret est indispensable pour légitimer l’expropriation et éviter toute accusation de
spoliation foncière illégale.
3. La loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
Cette loi modernise la gestion foncière sans pour autant remettre en cause les principes
fondamentaux de la loi de 1964, notamment l’inaliénabilité des terres du domaine national et les conditions strictes de leur attribution. Elle ne prévoit à aucun moment la possibilité pour
une autorité locale d’imposer le morcellement d’une parcelle à un exploitant en contrepartie
d’une délibération.

4. Le Code général des collectivités territoriales (CGCT)
Le CGCT, notamment à travers la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 modifiée par la loi n°
2019-12 du 8 juillet 2019, confère aux communes la gestion du foncier rural, mais dans le
respect strict des lois et règlements en vigueur.
Aucune disposition légale ne leur permet d’exiger d’un exploitant le morcellement d’une
partie de son terrain en contrepartie d’une régularisation foncière. Une telle exigence constitue donc une violation flagrante du droit.

II. Une pratique abusive et illégale

1. Violation du droit d’usage des exploitants
Tout exploitant qui met en valeur une parcelle conformément aux dispositions de la loi de
1964 bénéficie d’un droit d’usage légitime. Lui imposer un morcellement partiel comme
condition d’obtention d’une délibération foncière est une mesure arbitraire, contraire aux
textes en vigueur et aux principes de bonne gouvernance.

2. Une forme de spoliation déguisée

Cette pratique s’apparente à une expropriation forcée sans base légale ni procédure formelle d’indemnisation, ce qui pourrait être qualifié de spoliation foncière. Or, si la collectivité territoriale souhaite récupérer une partie d’une parcelle pour un projet d’intérêt général, elle doit suivre la procédure légale d’expropriation pour cause d’utilité publique, qui nécessite une indemnisation équitable et un décret d’État.

1. La manipulation des litiges fonciers

Lorsqu’un différend foncier émerge entre deux parties, certains élus et techniciens de
l’administration interviennent sous couvert de médiation. En réalité, ils exploitent la situation
pour en tirer profit. La solution proposée est souvent la suivante :
L'une des parties au litige est incitée à proposer un morcellement de la parcelle pour obtenir l'appui administratif de ces autorités. En échange, ces autorités valident la demande et octroient la délibération foncière. (Je détiens des preuves tangibles)
Une partie du terrain ainsi morcelé est ensuite récupérée par ces mêmes autorités.
Cette stratégie aboutit à une spoliation foncière déguisée et à un détournement du domaine
national au profit de quelques individus.

2. Un système de prédation foncière institutionnalisé

Cette méthode dépasse le cadre des litiges. Des propriétaires légitimes se voient contraints à un morcellement forcé sous prétexte d’une meilleure gestion foncière. En réalité, cela permet de détourner les terrains au profit d’intérêts privés, menaçant l’intégrité du foncier communal.

3. Un abus de pouvoir manifeste

Les autorités locales ne disposent d’aucun pouvoir leur permettant de conditionner une
délibération foncière au morcellement d’une partie du terrain. Cette exigence est donc
dépourvue de fondement juridique et constitue un abus de pouvoir flagrant.

III. Conséquences juridiques et administratives d’une telle dérive

1. Possibilité de recours contre cette pratique illégale
Les exploitants concernés disposent de plusieurs recours :
Recours administratif : Ils peuvent saisir le préfet ou le ministre en charge des collectivités
territoriales pour contester cette exigence illégale.
Recours juridictionnel : Un recours en excès de pouvoir peut être introduit devant la
juridiction administrative afin d’annuler cette décision abusive.
2. Risque de conflits fonciers et d’instabilité locale
Cette pratique arbitraire menace la stabilité sociale et foncière de la commune. Elle pourrait
provoquer des conflits entre exploitants et autorités locales, mettant en péril la confiance des populations dans l’administration communale.

3. Nécessité de réaffirmer le respect de la légalité
Il est impératif que les autorités centrales rappellent aux collectivités locales l’obligation de
respecter strictement les lois en vigueur en matière de gestion foncière. Une telle dérive ne
saurait être tolérée dans un État de droit.

V. L’incompétence de la commission domaniale face à un enjeu crucial

Le foncier est un domaine sensible qui doit être confié à des personnes expérimentées,
capables d’appliquer la loi de manière stricte tout en prenant en compte son esprit. Une
gestion foncière efficace nécessite non seulement une connaissance approfondie du cadre
juridique, mais aussi une approche rigoureuse et transparente.
Or, les interventions de la commission domaniale lors de la cession d’aujourd’hui ont
démontré un manque flagrant de compétence en matière foncière. Cette incompétence ne peut qu’aggraver les injustices et les tensions locales, rendant impératif un renforcement des capacités des acteurs locaux ou, à défaut, leur remplacement par des experts qualifiés.
Conclusion : La population doit se mobiliser pour défendre ses droits
L’exigence d'un morcellement d’une partie d’un terrain comme condition à une délibération foncière dans la commune de Diémbéring est non seulement illégale, mais aussi contraire aux principes de justice et de transparence.
La commune de Diémbéring n’est pas une exception où des règles arbitraires peuvent être
imposées en violation des lois nationales. Elle doit se conformer au cadre juridique en
vigueur, comme toute autre collectivité territoriale du Sénégal.
Il est temps que la population locale prenne conscience de ces abus et exige une gestion
foncière transparente et équitable. Le respect du droit foncier est une condition essentielle à la stabilité et au développement harmonieux de la commune.

Ousmane FALL
Étudiant en Master 2 Sciences Politiques, UGB, UFR/SJP, Parcours Politiques
Publiques.
Étudiant en Master 2 en Genre, Équité et Droits Humains à l'Université Privée Kocc
Barma de Saint-Louis.

Le Redacteur

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