Vous êtes expert pétrolier, à quoi on peut s’attendre sur le pétrole et le gaz découverts au Sénégal ?
Cela est simplement fabuleux pour notre pays qui se trouve embarqué grâce à ses découvertes dans la grande aventure du Pétrole. Dans un pays pauvre comme le Sénégal, qui cherche depuis les indépendances les moyens de son développement, ces découvertes ont une signification majeure dans la quête de l’émergence. Nous passons complètement à des changements de paradigmes sur le plan économique d’abord, social et politique ensuite.
Par ailleurs, en agissant avec une grande responsabilité, nos gouvernants pourront apporter les changements nécessaires à notre économie en optimisant les futures ressources issues de la commercialisation du brut et du Gaz. Si nous regardons de prés, nous constatons que le monde est géré par les grands pays producteurs de pétrole qui imposent leur dictat. Faire partie des pays producteurs permettra au Sénégal de compter dans la géopolitique mondiale. Permettez-moi aussi de rappeler que l’espoir sera permis avec ces découvertes pour la résolution des questions relatives à l’emploi des jeunes et le soulagement des ménages sénégalais. Mais bien entendu, il est nécessaire de s’inscrire dans de grands consensus à tous les niveaux surtout politiques et économiques
Par ailleurs, les découvertes du pétrole et du gaz dans notre pays ainsi que les enjeux inhérents nous ont amenés à nous inscrire dans de nouvelles perspectives dynamiques : communiquer sur les enjeux, inciter à la mise en place des programmes de formation, mettre en place des projets accompagnants, encourager les futurs investissements, suivre le développement des hydrocarbures, sensibiliser les hommes d’affaires nationaux du secteur, travailler à l’implication de la diaspora, sont autant de domaines dans lesquels nous apportons notre expertise au quotidien. C’est tout le sens de mon discours.
Quelle analyse faites-vous de la polémique qui est née suite aux types de contrats d’exploitation impliquant pétrotim et Aliou Sall. ?
Écoutez, je trouve regrettable que nos hommes politiques ne parviennent jamais à trouver des consensus autour des grandes questions qui agitent le pays. Se retrouver sur les boulevards de l’invective, de la désinformation, des déballages et des attaques personnelles me semble inopportun pour un pays qui aspire à l’émergence, qui a découvert du pétrole et qui est quand même une référence démocratique dans le monde. Nous rappelions que ce débat est polluant et dangereux pour notre pays. En effet, nous ne pouvons pas prétendre exploiter les gisements en étant à ce niveau. Aucun investisseur ne viendra mettre ses moyens dans un pays en tension. Je trouve dommage que l’on jette le discrédit sur nos plus hautes institutions pour des questions de positionnement politique et personnel.
Le pétrole est une chaine, une industrie qui demande des moyens financiers colossaux. Nous en sommes au premier niveau c’est-à-dire au niveau de l’exploration. Parfois vous avez l’impression que nous sommes en phase d’exploitation et de commercialisation à entendre toutes les spéculations faites autour de la question. Tout cela prête à confusion et concourt à conduire le pays dans une impasse. Je ne me situe aucunement dans un cadre d’analyse politique. J’en appelle à la retenue et à la sauvegarde de nos fondamentaux démocratiques.
La question du rôle de Monsieur Aliou Sall dans les découvertes me semble minime par rapport aux enjeux qui nous attendent. Le concerné a lui-même déclaré qu’il était gérant administrateur de la filiale petro timlimited et qu’à ce titre, il représentait une autre compagnie qui a cédé les parts de la filiale à kosmos le géant américain. Mais ceci est la pratique normale dans les opérations pétrolières durant les phases d’exploration. Maintenant sur la question des contrats, je pense qu’il n’y a pas d’équivoques possibles ; les contrats pétroliers ont des référents que sont le droit pétrolier international, le code pétrolier ainsi que les cadres juridictionnels définis. A ce jour, toutes les opérations pétrolières ont de la traçabilité c’est pourquoi j’ai dit qu’affirmer que le gouvernement cachait des contrats était ridicule. Mais j’ai dit aussi par ailleurs que le gouvernement devrait beaucoup plus communiquer sur certains aspects pour apaiser et rassurer l’opinion.
Est-ce que nous ne sommes pas en train de vivre le début de la malédiction du pétrole au Sénégal ?
Mon avis est que nous sommes en train de nous perdre en conjecture. Pourtant nous avons les moyens de juguler la malédiction du pétrole. Le gouvernement du Sénégal a adhéré à l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives). Ceci est une excellente chose, gage d’une volonté de transparence dans l’industrie extractive. La création d’un comité d’orientation stratégique pour le pétrole est le gaz est une bonne chose qui certainement inscrira le pays dans un cadre de réflexions et de concertations. Ce sont ses volontés là alliées au respect des points de vue diverses qui réconfortent.
Vous avez dit que le Sénégal n’a pas perdu 600 milliards dans la gestion du pétrole et du Gaz, vous vous appuyez sur quoi pour le dire ?
Écoutez, j’ai une pratique professionnelle de 22 ans dans le secteur des Hydrocarbures essentiellement dans la distribution des produits pétroliers, la mise en place des procédures, des méthodes et des qualités ,la formation des ressources humaines et la mise en place des projets pétroliers et gaziers. Quand j’ai entendu l’opposition sénégalaise annoncer des pertes de 600 milliards dans la gestion du pétrole et du gaz, j’ai estimé nécessaire d’apporter des éclairages par rapport aux hypothèses. A-t-on tenu compte du fait que 100% des gisements ne seront pas extraits ? A-t-on tenu compte des rendus de surface contractuels ? Le calcul des prix du gaz naturel fait appel à une certaine complexité bien souvent indexée sur le prix du baril .Par exemple, les références ne sont pas identiques pour le gaz Algérien ou le gaz Norvégien. De quel index parle-t-on pour arriver à ce chiffre ? Je suis d’avis que l’opposition a le droit de s’interroger sur ces questions pétrolières d’une haute importance mais je reste persuadé aussi qu’il faut éviter de s’inscrire dans des postures qui non seulement prêteraient à confusion mais gêneraient beaucoup la futur exploitation des gisements découverts. Mais d’autres contrevérités ont été dites sur la formation, les métiers du pétrole, la fiscalité pétrolière et même les process et les méthodes.
D’aucuns disent vous défendez Aliou Sall ?
Je ne défends personne. Je dis les choses de manière objective et j’invite à un débat technique. D’ailleurs, nous sortons d’une réflexion avec des chercheurs des universités de Dakar et Saint-Louis, des experts indépendants, sur la question des découvertes et tous ces débats-là ont été posés. Dans quelques semaines, nous allons vers un forum national pour inviter à la concertation et aux réflexions sur les axes stratégiques. Beaucoup de questions y trouveront certainement réponses. Ce sera aussi un grand moment de communication et de valorisation de l’expertise nationale sur la question pétrolière et gazière.
Qu’est ce que le Sénégal doit faire alors pour tirer profit de l’exploitation de toutes ses ressources ?
J’en appelle alors à un consensus autour de la question pétrolière pour apaiser l’atmosphère. C’est un gage de sécurisation du futur pétrolier sénégalais. La mise en place du COSPETROGAZ est une excellente chose qu’il faut saluer. Nous osons espérer que cela va constituer un cadre de concertation et de propositions sur toutes les orientations avec une large représentation des acteurs politiques, techniques et institutionnels .En perspective, le Sénégal peut devenir un hub pétrolier. Sur des questions essentielles du Secteur, nous pourrons jouer un grand rôle. Bien entendu certains actes doivent être posés :Susciter un débat inclusif autour de la question , Créer le lien avec le PSE, Harmonisation du cadre Institutionnel et législatif, Identification et mise en place des Projets accompagnants, Identification et Rencontre avec les Partenaires éventuels, Préparer la future main d’œuvre, Associer les professionnels, Recherche du consensus autour de la stratégie définie par les autorités, Inciter la préférence nationale, Susciter l’engouement de potentiels investisseurs nationaux privés, l’implication de la diaspora, la formations des parlementaires et des conseillers sociaux et environnementaux, travailler à la consolidation des institutions nationales sont autant de clés facteurs de succès.